Tiens à propos de fonctionnaires, il faut que je te raconte les démêlés d’Auguste avec la poste. Comme tu l’auras compris, Violette et son mari habitaient un cul de sac, le facteur était obligé de faire un détour pour eux lorsqu’ils avaient du courrier. Et ça, lui, il ne le supportait pas, pourquoi le préposé ne monterait –il pas tous les jours chez lui avec son vélo, comme il le fait pour les autres ? après tout, il peut avoir besoin de ses services, ne serait-ce que pour venir prendre des lettres comme cela se faisait à cette époque. Pour arriver à ses fins, il utilisa un moyen fort connu à l’époque, (et qui fit même l’objet d’une nouvelle d’un grand écrivain provençal) il se fit livrer le journal tous les jours, mais il le fit à sa façon, il traita directement avec le vieux facteur un soir au café,
-« Dis, quand tu montes chez moi, ça te dérangerait de me porter le Dauphiné ? »
-« Ben non, si ça peux te rendre service »
-« C’est entendu, avant de commencer ta tournée, tu passes ici à l’épicerie, tu prends le journal, tu me le mènes et moi, chaque fin de semaine je descends le payer »
Et cela dura plusieurs années, jusqu’au jour où le facteur pris sa retraite, Auguste assista au pot de départ en présence du remplaçant.
Le lendemain, peu avant le repas, il se rendit à sa boite aux lettres située au début de l’allée de Tilleul : Rien !!!!!
Ah, j’avais oublié de te dire, le facteur n’avait pas le droit de venir jusqu’à la maison, parce tu les connais ces gars là, toujours à essayer de se faire payer un coup à boire, sans parler de ceux qui profitent de l’absence du patron pour entreprendre une petite causette avec sa femme. !!!! Donc le plus simple, c’est qu’ils montent jusqu’au domaine, mais qu’ils restent à une centaine de mètres des habitations, comme cela, pas de problème. !!
En attendant, ce jour là, le remplaçant n’était pas venu.
Auguste pensa que l’épicier expliquerai l’arrangement au nouveau postier lorsque celui-ci viendrai boire son café chez lui avant de commencer sa tournée.
Mais le jour suivant toujours rien !!!!
Le troisième jour il y avait bien deux lettres mais point de journal. Alors là, la colère lui pris, il descendit sur le champs au village et fit une entrée fracassante au bureau de poste.
-« Qu’est-ce qui t’arrive Auguste ? » lui demanda la receveuse
-« Il m’arrive que ton faignant de facteur ne me porte plus mon journal »
- Ton journal ? On ne reçoit aucun journal ici, t’as un abonnement ? »
-« Quel abonnement ? Je ne vais pas m’abonner alors que le journal arrive tous les matins à l’épicerie, ça ne lui coûte rien à ton bonhomme de me le prendre et de me le monter en faisant sa tournée ».
-« Écoute Auguste : la poste, ses facteurs elle les payent pour livrer le courrier qui transite par elle, pas pour faire tes courses, si tu le veux ton journal, tu fais comme tous les autres, tu descends le chercher toi même à l’épicerie »
-« Mais l’ancien postier… »
-« L’ancien, il était bien brave, pendant des années il t’a porté ton canard, mais toi tu ne lui as jamais pris un seul calendrier, ni donner la moindre pièce alors qu’il te rendait un service qui ne faisait pas partie de son boulot, si tu veux t’arranger avec le nouveau, c’est ton affaire et la sienne, mais moi ça ne me regarde pas !! »
-« Je ne le connais pas !!Mais puisque c’est comme ça, je vais m’abonner, il sera bien obligé de grimper jusque chez moi, ton faignant avec son vélo »
-« Comme tu le veux !!!»
Sitôt dit sitôt fait, Auguste s’abonna directement auprès du journal, et le temps que les formalités se fassent et que tout se mette en place, il eu au bout d’une dizaine de jours la grande joie de trouver enfin son « Dauphiné » dans sa boite aux lettres. Son plaisir fut de courte durée, car à peine avait-il déplié son quotidien qu’il poussa un cri de rage :
-« Ah les salauds, ça ne va pas se passer comme ça » !!!!
Il descendit illico jusqu’à la poste :
-« Bonjour Auguste quel bon vent t’amène ?»
-« Tu oses me le demander ? Ton journal, c’est celui d’avant-hier !! »
-« D’abord, ce n’est pas mon journal mais le tien, pour le reste, si tu avais pris le temps de m’écouter l’autre jour, je t’aurai expliqué que les journaux voyagent par la poste comme du courrier ordinaire, il faut deux jours pour qu’une lettre arrive à destination, c’est la même chose pour ton journal, c’est pour ça, qu’ici personne n’est abonné, la presse qui arrive à l’épicerie est livrée par une messagerie, ça fait toute la différence »
-« Ça ne fais rien, je garde mon abonnement, ne serait-ce que pour faire « chier » ton facteur, il n’a pas fini de pédaler »
-« Auguste, tu es ridicule, l’ancien, il n’avait pas le permis, c’est pour ça qu’il continuait à faire ses tournées en vélo, mais le nouveau, comme d’ailleurs les remplaçants pendant les congés, ils tournent en moto, et même mieux, à partir de cet hiver, nous disposerons d’une 2 CV fourgonnette, et ne te plains pas, nous te livrerons les colis encombrants à domicile, t’auras plus besoin de venir les chercher ici ».
(à Suivre)