La « Bête » du Gévaudan.

 
 
Il fallait bien que j’y vienne un jour, à force d’écrire que les loups ne sont pas des créatures du diable, bien au contraire, et qu’ils ne sont pas une menace pour l’homme, je me devais de m’expliquer sur la bête du Gévaudan.
En premier, chers humains, je vous ferai remarquer que « chez vous » les mauvais exemples ne manquent pas, vous avez vos Landru, Petiot et autres assassins, sans parler de vos super killeurs, Adolf et compagnie. Vous êtes mal placés pour nous reprocher quelques sujets plus féroces que d’autres qui en des temps difficiles, poussés par la faim ont, par ci par là, croquer quelques bergères en lieu et place de leurs moutons.
Mais, force est de le reconnaître oui, nous avons notre Francis Haulmes. La honte de la louverie en la personne de la bête du Gévaudan.
Surtout, ne croyez pas que ce soit une légende, la bête, ou plutôt les bêtes, ont bien existées, il y a autour d’elles des affabulations, pas mal de délire, des hypothèses plus ou moins fondées mais aussi des certitudes, parmi lesquelles celle qu’elles étaient au moins deux, mais il est probable qu’elles furent au minimum trois, et pas impossible qu’il y en ait eu quatre, voir plus, tout issues de la même portée ou de la même lignée.
Durant mon adolescence de loup, j’ai vécu au cœur de son « terrain de chasse », ce qui m’a amené à m’intéresser à elle. J’ai lu de nombreux ouvrages la concernant, certain tout à fait farfelu, d’autre plus sérieux et parfaitement documentés. Rassurez vous, je n’ai nullement l’intention de prétendre avoir résolu l’énigme, mais je revendique le droit d’avoir une opinion, qui est très proche de celle défendue par la plus part des spécialistes des loups et des historiens sérieux, très loin des délires d’un film récent. Mais revenons en aux faits avérés :
Entre 1764 et 1767, « la bête » fit plus de cent trente victimes, et des dizaines de blessés. Contrairement à la légende, elle ne s’attaquait pas qu’aux enfants et aux femmes, bien que toutes les victimes fassent partie de cette population, 9% des attaques ont eu lieu contre des hommes de plus de 18 ans mais aucun d’entre eux ne périt, ce qui démontre que la puissante force de l’animal avait des limites. Des femmes, des adolescentes et même des enfants réussirent à le mettre en fuite, la quatrième « bête » fut d’ailleurs probablement tuée le 11 Août 1765 par une jeune fille de vingt ans, Marie Jeanne VALET, la servante du curé de PAULHAC, qui s’était portée au secours de sa jeune sœur, elle réussit à lui donner un coup de baïonnette, (une lame de couteau au bout d’un bâton) qui pénétra de sept à huit centimètres dans le corps de l’animal qui s’enfuit en saignant abondamment, disparaissant pendant trois semaines avant de réapparaître le 2 Septembre. Aucune des trois « bêtes » abattues par la suite ne portait la cicatrice de cette blessure pourtant certifiée par les traces de sang relevées par les chasseurs sur les lieux de l’attaque du 11 Août, ce qui permet de penser que celle de Marie- Jeanne agonisa au fond des bois des suite d’une importante hémorragie.
Qui était donc la « bête », un loup ?  un chien ? Une hyène dressée par Antoine CHASTEL l’homme soupçonné d’en avoir été le meneur ?
Certains, dont je suis, penchent pour un animal hybride issu du croisement entre une chienne domestique et un loup sauvage, et non l’inverse car nous autres  loups n’aurions pas supporté la présence d’un hybride dans leur meute. Ce serai la portée, générée par ce métissage, qui devint « la bête ». Pour ma part, je m’arrête là, je ne m’aventurai pas plus loin dans mes convictions car, comme le on dit, le reste n’est que littérature.
L’hypothèse qu’ « elle » fut manipulée par un homme est due à l’étrangeté de son comportement s’apparentant plus à celui du chien qu’à celui d’une bête sauvage. Contrairement aux vrais loups cet animal n’avait pas peur des humains allant les défier dans les cours de ferme ainsi qu’au cœur de villages. Ainsi, elle fut aperçue à deux reprises déambulant tranquillement dans Saint ALBAN, remontant la rue principale jusqu’au château de pierre rouge devant lequel elle attendit, d’après les témoins, « comme un chien qui attendrait son maître. »
Or, le Comte Jean François- Charles de MORANGIÈS, fils du seigneur des lieux, était un bien triste sire, ancien colonel au régiment du Languedoc il avait combattu contre l’empereur de PRUSSE, mais son comportement étant loin d’être exemplaire, il tomba en disgrâce. Véritable psychopathe il connut la prison sous l’ancien régime pour escroquerie ainsi que sous la république pour complicité de bigamie, (Il avait épousé une femme mariée aux mœurs légères), homme violent et débauché, il dilapidera à la mort de son père la fortune familiale dans les tripots et les maisons closes et mourut, en 1801, tué par sa maîtresse. Son propre fils, véritable crapule viola à Vingt six ans une jeune fille de treize ans et lui transmit une maladie vénérienne.
 Le château des MORANGIÈS devint en 1830 un hôpital psychiatrique qui s’étendit par la suite autour du bâtiment pour devenir l’actuel Centre Hospitalier.
Le comportement de MORANGIÈS pendant l’affaire de la « bête » fut très ambigu, de là l’hypothèse émise que le vrai « maître » du monstre n’était autre que le seigneur du château au pied duquel l’attendait sa « créature », les CHASTEL n’étant que les meneurs.
Aucune preuve ne permet de valider cette théorie, aucune autre ne permet de l’infirmer, je laisserai donc au Comte Jean François- Charles de MORANGIÈS le bénéfice de la présomption d’innocence.
Le 19 juin 1767, Jean CHASTEL, père d’Antoine, profondément bouleversé par la mort d’une fillette de son village, Marie DENTY, dévorée par l’animal, fit bénir trois balles fondues dans une médaille de la vierge et s’en alla seul attendre le monstre. La « Bête » qui vient d’échapper à trois années de battues mobilisant des milliers d’hommes se trouve exactement à l’endroit où se rend CHASTEL, elle vint « familièrement » au devant de lui, s’arrêtant à quelques mètres du chasseur, l’observant tranquillement, assise sur son arrière train. Jean CHASTEL prend son temps pour viser, il tire, « la Bête » est définitivement morte !
Lors de nos grandes promenades à pied pendant les vacances d’Été, de 1960 et 1963, mon frère Jean Claude et moi nous nous rendions assez souvent à pied au village des FAUX à cinq kilomètres de Saint ALBAN sur Limagnole, où nous demeurions. Nous passions devant le hameau du ROUGET, entre la rivière et les premières maisons il y avait un pré, c’est là que la « Bête » avait tué une de ses premières victimes, une jeune bergère. Quelques dizaines de mètres après, nous traversions une forêt, et je ne pouvais m’empêcher de penser que de la lisière de ce bois, deux siècles auparavant, l’animal épiait sa proie avant de l’attaquer. Son forfait accompli, il était retourné se cacher dans l’épaisseur des sapins. Ce n’est pas sans émotion, même pour de jeunes loups, que notre chemin croisait la piste de la « Bête ».



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