Allez y, allez y, entrez, installez vous le mieux possible, il y a de la place, Colopat et Patacol vous n'avez qu'à vous serrez un peu à coté de LaCalmette, bon, Aude terrienne tu peux te mettre devant si tu veux.... mais j’en vois dans le fond qui ont manqué la première partie, un petit conseil pour eux, ce n’est pas obligé, mais il vaut mieux qu’ils aillent d’abord à l’article précédent pour mieux comprendre, qu’ils ne se fassent pas de soucis, on les attendra, ça y est ? Puisque tout le monde est là, nous allons pouvoir commencer, l’essentiel est que « Janou Grain de Sel » soit au premier rang, après tout c’est pour elle que j’ai écrit ce petit conte censé se dérouler il y a un demi siècle à peu de chose près.
Oyez, oyez brave gens, voici donc :
« L’Histoire de Monsieur le Curé et de son Âne »
Au village, tout le monde connaissait bien « Monsieur le Curé », il faut dire qu’il ne ménageait pas sa peine entre l’hospice, où il rendait visite aux « anciens », l’hôpital où il allait réconforter les malades, la maison d’arrêt où séjournaient régulièrement toujours deux ou trois de ses paroissiens (toujours les mêmes : incorrigibles bagarreurs du samedi soir ou voleurs de poule) , les pauvres qu’il fallait soutenir, la messe (deux fois par jour) les mariages, le catéchisme, les enterrements et toutes les bigotes qui venaient sans cesse se confesser à « la maison des bêtises » , et qui quand elles ne savaient plus quels péchés avoués, n’hésitaient pas à révéler ceux de leurs voisines.
(J’allais oublier: la maison des bêtises, c’est comme ça que Janou appelle le confessionnal dans les églises)
Toute sa vie, il avait parcouru à pied rues et venelles du village pour aider les uns ou les autres, sans jamais refuser de rendre un service, seulement, Monsieur le curé commençait à se faire vieux. Il était tellement fatigué le soir en rentrant chez lui, qu’il n’avait même plus le temps de faire son jardin. Alors, un jour, il eut une idée.
« Si j’achetais un âne, il me porterait d’un bout à l’autre du village, je gagnerai du temps et je serai moins fatigué le soir, ça me fera de la compagnie, je le brosserai, je nettoierai ses sabots, et il me fournira un peu de fumier pour mon jardin »
Aussitôt dit aussitôt fait, le lendemain matin il prit le car pour la ville et alla acheter un âne, qu’il baptisa « Cadichon » parce qu’il avait lu la comtesse de Ségur quand il était enfant.
Ah là là, Monsieur le curé et son âne, tout le village ne parlait plus que de ça, il fallait les voir, joyeux, chevauchant de droite et de gauche, toujours en vadrouille, et le soir, les voisins pouvaient entendre le saint homme chanter à tue-tête dans l’étable pendant qu’il pansait son Cadichon.
Cela durât quelques temps, mais au bout d’un mois ou deux, alors qu’il était justement en train de cirer les sabots de sa monture, monsieur le curé reçut la visite du Raymond, un brave garçon de vigneron.
« Dites, monsieur le curé, demain matin, vous en avez besoin de votre âne ? »
« Tu sais bien, que le mardi, je reçois à confesse jusqu’à l’heure du repas, pourquoi tu me demandes ça ? »
« Ben voilà, faut que je vous dise, il faudrait que je désherbe ma petite vigne, je peux pas la faire avec le cheval parce que les rangées sont trop étroites, d’habitude, je la fais à la main, avec la binette, mais ça me prend du temps et j’ai beaucoup à faire, si vous me prêtiez votre âne, j’y attellerai un petit griffon, la matinée me suffirait et …… »
« Pas de soucis, Raymond, tu peux le prendre demain et chaque fois que tu en auras besoin »
« Oh merci Monsieur le Curé, je vous garderai un petit tonneau de vin de cette vigne, vous direz des nouvelles »
Quelques jours plus tard, ce fut le tour de la Germaine
« Monsieur le Curé, je dois aller demain à la ville vendre mes œufs et quelques canards, mais j’ai cassé la chaîne du vélo, ça m’ennuie de prendre le car parce que… »
« Allons, allons Germaine, je te comprends, tu as besoin de Cadichon, prends le, et puis tu n’as plus l’âge de pédaler, le jeudi j’irai voir nos prisonniers à pied, ça me fera de l’exercice »
« Alors je peux le prendre demain ? »
« Demain et chaque fois que tu devras aller au marché »
Après la Germaine ce fut le tour de Gustave, l’aubergiste, qui devait ramener un fut de vin de la cave coopérative, puis il y eut le Julien, dont l’ânesse venait de mettre bas, et qui ne savait qui atteler à son charreton pour aller au bois, ensuite ce fut Augustine, qui s’occupait du patronage, « Si vous me prêtiez votre Cadichon, cela ferai venir les enfants »
Tout ça pour dire d’au bout de quelques temps, le malheureux animal rendait service à tout le village sauf à Monsieur le Curé. Il avait bien essayé de faire ses visites le soir, quand la pauvre bête n’était pas prise ailleurs, mais elle était tellement fatiguée qu’il n’osait pas lui demander cela. Il avait repris ses tournées à pied, traînait la jambe de plus en plus, peinant dans les montées, reprenant son souffle de plus en plus souvent, finissant de plus en plus tard, si bien, qu’il ne disposait que de peu de temps pour soigner Cadichon, c’était même devenu une corvée, il ne chantait même plus.
Un soir, en sortant de l’étable, il aperçu Monsieur le maire assis sur le pas du presbytère. Il en fut un peu surpris, car ils se fréquentaient peu, n’ayant pas tout à fait les mêmes idées. De plus, comme nous sommes dans les années 50, ils ne pouvaient pas s'empêcher de se la jouer façon Pepone et Don Camillo.
« Bonsoir Monsieur le maire, aurais-tu besoin de te confesser ? Tu dois en avoir des péchés sur la conscience à force de blasphémer à longueur de journée, tout Docteur que tu sois »
« Ecoute camarade Curé, si je viens te voir, c’est que je suis inquiet »
« Garde ton camarade pour tes comparses, mais je te comprends, tu dois commencer à voir les portes de l’enfer se profiler devant toi et.. »
« Arrête Boniface, si je suis inquiet c’est pour toi »
« Pour moi ? Mais je ne crains rien si ce n’est la colère du bon Dieu »
« Mais tu t’es vu ? Tu as perdu au moins dix kilos depuis que tu prêtes ton âne à tout le monde, tiens, je suis sûr que si tu meures demain, ton bon Dieu, pour le coup, il te passera un sacré savon, il t’a mis sur terre pour le servir, pas pour faire le pigeon. Si je te demandais ton âne pour aller coller mes affiches tu serai capable de dire oui »
Il y eu d’abord un grand silence avant que Monsieur le Curé se décidasse à faire entrer monsieur le maire chez lui.
« Je suppose tu as une solution ? »
« Bien sûr, c’est mon rôle de maire d’aider, tout comme toi, mes concitoyens, même si ça ne leur plait pas toujours que je me mêle de leurs affaires »
« Je t’écoutes »
« Cet après midi, pendant que tu étais à l’hospice, j’ai réuni tout notre petit monde à la mairie, et je leur ai dit : je comprends que chacun de vous n’ai pas besoin d’avoir un âne pour lui seul chez lui, alors, emprunter celui du capelan de temps en temps , ça ne vous parait pas grand-chose, seulement, vous le faites tous, et votre curé, il est en train de dépérir, et moi ça me gêne, parce que tout curé qu’il soit, c’est un homme, et nous, nous avons un devoir de solidarité envers tous les hommes , quelque soit leur race, leur religion, leur couleur de peau. Boniface, il a le cœur sur la main, je suis sur que si vous cotisiez pour acheter un deuxième âne, pour compenser le premier, et bien au bout de quelques semaines il ne le verrai plus que le soir comme Cadichon. »
« Tu n’as pas tout à fait tort, et ensuite ? »
« Ensuite, tu me sors une petite bouteille du vin de la caisse que Marcel t’a porté la semaine dernière, je le sais, il m’en a donné une à moi aussi, donc, pour la suite, je dois te dire qu’avant j'avais eu une petite discussion avec le jeune Henri qui travaille dans un garage à la ville. Il s’est levé et il a dit :
Nous avons au garage une moto d’occasion, c’est celle du percepteur qui vient de l’échanger contre une Dauphine toute neuve. Le patron, il ne veut pas la revendre à des jeunes parce qu’il a peur qu’ils fassent les fous avec ; Cette moto, elle n’est pas toute neuve, elle date d’avant guerre, mais elle est super entretenue, on a changé le moteur l’an passé, on pourrait l’avoir pour 500 francs.
500 FR ça fait cher remarqua le Tonin »
« Il toujours été un peu radin »
« Je leur ai dit : Partagé entre vous, ça ne fait pas grand-chose, c’est comme pour l’âne, un peu de temps à chacun d’entre vous et il ne reste rien au curé. Le grand Michel à même ajouté que lui, qui n’avait pris ton âne qu’une demie heure, un jour, pour porter des patates à sa mère, il était prêt à mettre autant que les autres, Gustave, lui, a promis de rajouté un peu plus s’il en manquait. Raymond, il a ajouté qu’une moto, c’était une bonne idée, personne ne te l’a prendrai pour aller sarcler une vigne, ou porter un fut de vin. Germaine a bien rigolé en s’imaginant aller au marché sur cet engin, Tout ça pour te dire, que non seulement j’ai ici assez de sous pour payez ta machine, mais il en restera suffisamment pour t’acheter une veste en cuir et une paire de gant »
A partir de ce jour, tout le monde fut content au village, d’abord ceux qui utilisaient Cadichon, ça leur faisait moins peine de le demander ensuite Monsieur le curé, qui retrouvera une nouvelle jeunesse, fier comme Artaban sur sa pétrolette, Monsieur le Maire qui fut réélu triomphalement à toutes les élections jusqu’à sa mort, les paroissiens qui bénéficièrent d’un curé bien reposé et toujours disponible et bien sûr Cadichon, qui le soir, après une dure journée de labeur se faisait bichonner par monsieur le Curé chantant à plein poumon une chanson à la gloire d’un de ses confrères de Camaret qui lui aussi avait acheté un âne ( républicain de surcroît).
Cadichon et son Boniface de Curé vécurent longtemps ensemble, ils furent heureux, mais n’ont jamais eu d’enfant.
Cadichon et son Boniface de Curé vécurent longtemps ensemble, ils furent heureux, mais n’ont jamais eu d’enfant.
Et comme dirait mon frère qui, lui, est un vrai conteur :
Et Cric et Crac, mon histoire est finie !