Vous connaissez Berruyer ? Non, pas Alexandre-Benoît dit Berru, le comparse de San Antonio, moi, je vous parle de Louis Berruyer. Vous ne le connaissez pas ? Ce fut pourtant un bienfaiteur de l’humanité qui, entre 1906 et 1907, fit du social à sa manière. De peur que les petits vieux de la région de ROMAN ne meurent de froid la nuit, il allait avec ses amis leur réchauffer les pieds. Eperdus de reconnaissances « les anciens » leur confiaient spontanément leurs économies qu’ils dissimulaient soigneusement dans leurs maisons. Berruyer, comme tous les incompris, ne fut pas récompensé de ses bonnes actions, le 22 Septembre 1909 il fut victime d’un terrible accident, un couperet de guillotine lui trancha la tête ainsi qu’à deux de ses collaborateurs devant la prison de Valence. Ainsi fini la triste histoire de ceux qui resteront pour la postérité les « chauffeurs de la Drôme ».
Je vous imagine déjà en train de vous dire, « tiens Akela va nous conter en détail le récit de cette fine équipe, dont les méfaits contemporains de ceux de la Bande à Bonnot défrayèrent avec autant de passion la chronique judiciaire de l’époque » », et bien non, ce n’est point mon but. Ce qui m’intéresse dans cette affaire, c’est le sort des enfants de Berruyer, car cet homme avait une famille, une épouse (qui fut soupçonnée de complicité) et une progéniture. Le hasard de la vie a voulu que je croise l’un d’entre eux, ses descendants étant toujours de ce monde, je me permets de modifier son identité et celles de ces proches. Celui que j’appellerai Octave pour la circonstance fut placé à l’assistance publique après que l’on ai retiré le droit de garde à sa mère dont il pris cependant le nom de jeune fille car à cette époque, par soucis pour l’avenir des enfants de criminels, on pouvait modifier leur état civil, Octave Berruyer devint donc Octave Martin. C’est sous cette identité qu’il fut placé dans une famille d’accueil à l’autre bout du département. Ça partait d’un bon sentiment, mais il aurait mieux valu le changer carrément de région, car l’affaire des Chauffeurs avait tellement tenue en haleine toute la Drôme que ce n’est pas une centaine de kilomètres qui allait garantir l’anonymat d’Octave. Dans le village de P…, où il séjourna, ce fut rapidement un secret de polichinelle
Pour ne plus être (dans les conversations du village) « le fils de Berruyer » ce garçon aurait du s’exiler après sa majorité, son avenir ne pouvant se situer qu’ « ailleurs », pourtant Octave choisit de rester. Il épousa une jeune fille du cru, Germaine Ladet, dont l’histoire personnelle est aussi très intéressante. Son père, que l’on prénommera Jules, était parti en 1914 à la guerre comme de nombreux jeunes français à l’époque. Fut-il fait prisonnier ? Je ne sais pas, mais il s’avérât qu’il ne revint au pays qu’après l’armistice pour apprendre que son épouse était « morte en couche » en donnant naissance à une petite fille, dont le père biologique était un voisin qui s’appelait lui même Ladet. Comme la fillette était née plus de neuf mois après le départ de Jules, elle ne pouvait, elle aussi, ne porter que le nom de jeune fille de sa mère. (Comme quoi, il n’y a pas de hasard).
Je n’ai pas connu Jules, mais je pense qu’il devait être un brave homme, car il a eu ce geste extraordinaire : il a reconnu Germaine, lui donnant ainsi son nom (qui était également celui de son père biologique) et une famille, car il se remaria.
Bon, maintenant vous allez me dire, « et toi Akela ? Qu’est-ce tu viens faire dans cette histoire ? » Pas grand-chose, si ce n’est écrire ce qu’il advint d’Octave à l’heure de son trépas. Ce que je vais vous révéler, je le tiens de mon beau-frère qui était maire de P… quand Octave s’en fut de ce bas monde. Le jour de sa mort Octave Martin est redevenu, le temps de la déclaration de décès et pour l’état civil, Octave Berruyer. Il paraît que c’est ainsi, y compris pour tous ceux qui obtiennent de faire changer leur nom. Afin d’éviter toute erreur à l’état civil, à leur mort ils reprennent leur véritable identité. Par conter, les enfants d’Octave Martin, ayant été déclarés sous ce nom, resteront toute leur vie des Martin.
Ça me fait une belle jambe, comme disait le cul-de-jatte à qui le coiffeur voulait couper les pattes.