La visite à Violette
 (Deuxième partie-2/6)

 
 
Il y en a qui appelleraient cela « le Trou du C.. du Monde », d’autres, préféraient dire que l’on était « au milieu de nul part » .Faut vous dire que pour atteindre la maison de Violette, il nous avait fallu emprunter pendant près de dix minutes un très long chemin prétendument goudronné qui n’avait pas vu  le moindre cantonnier depuis un demi siècle, cédant la place dans sa partie finale, à une sorte de piste en terre battue qui débouchait dans un lieu paradisiaque. Une vallée perdue dans les alpes provençales, surplombée d’une prairie verdoyante, grande comme deux terrains de football avec à l’une de ses extrémités la ferme du domaine et à l’autre une maison de maître en pierre de taille où nous conduisait une allée de tilleuls plus que centenaires. Tiens, ce n’est pas pour dire, même dans le Luberon tu ne trouves pas plus beau !!  L’authenticité en plus.
Violette nous attendait sur le perron de sa maison, digne comme une dame d’un autre siècle, et  c’était le cas. Car une fois le seuil franchit, nous nous sommes retrouvé « avant guerre », il n’y avait pas d’autre mot pour définir l’intérieur de la bâtisse, aucuns travaux d’entretien n’avaient été entrepris depuis que Violette et son mari avait pris possession de la maison à leur mariage. Pas la moindre peinture sur les murs, pas le moindre coup de pinceau de lasure sur les volets et les boiseries, pas la moindre trace de modernité, pas de frigo, pas de machine à laver, pas de télé, juste un simple « transistor » des années soixante ne pouvant capter que Radio Monté Carlo en Grandes Ondes !!!
vignette-lavande.jpgUn poêle cuisinière (à bois) occupait le centre de la pièce principale tout à la fois cuisine et salle de séjour. C’était l’unique moyen de chauffage de la maison, son tuyau faisait le tour de la pièce afin de grappiller quelques colories de plus,  la fumée avait fini par déposer un voile grisâtre sur les meubles et les murs. C’était certainement propre, mais tellement terne, tellement délaissé, abandonné, sans vie sans âme. Un fils électrique torsadé soutenait une ampoule à incandescence, et une prise pirate partait de l’interrupteur de l’éclairage afin d’alimenter le transistor, c’était là  toute l’installation de la pièce, rien de plus.
En recoupant les informations dont nous avions connaissance sur sa vie, et ce qu’elle nous a livré ce jour là, nous avons pu reconstituer ce que fut son existence pendant plus de soixante ans.
En prévision du mariage, ses beaux parents avaient fait entièrement refaire la maison, tout avait été remis en état et à neuf pour que les jeunes mariés vivent dans les meilleures conditions possibles, les anciens étaient même partis vivre dans « la ferme », à coté de ses parents à elle,  pour ne pas gêner les « novis »
Le mari, Alphonse, était connu pour être bon vivant, jovial et de bonne compagnie quoique un peu pingre. Dans le pays, sa présence dans un banquet de mariage était le gage d’une fête réussi, il n’y avait pas mieux que lui pour mettre l’ambiance, rien que pour cela, il était volontiers invité par tout un chacun. Et là, pas de soucis, il répondait toujours présent mais …..seul.
La Violette, que ce soit dans la région ou dans le village, on ne la voyait que rarement, parce qu’Auguste estimait que les noces, d’une part ça faisait des frais de toilettes (surtout pour les femmes) et que d’autre part c’était aussi l’occasion de quelques libertinages de la part de jeunes juponniers  célibataires. Le repas des chasseurs ? Pas question, la chasse c’est une affaire d’hommes, et puis d’abord on y parle politique, manquerait plus que les femmes s’en mêlent,   les baptêmes ? Les fiançailles ? Il avait toujours une bonne excuse pour laisser sa femme à la maison. Heureusement, il y avait les enterrements, là, à la limite, ça ne posait pas trop de problème, mais à condition que ce soit les obsèques d’un proche parent et que la cérémonie ait lieu au village, seulement au village. Violette avait une robe de deuil qui pouvait faire l’affaire à chaque occasion, elle allait la traîner toute sa vie.
(à Suivre)
 



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