La Piquette de Benjamin

 
Et si nous nous prenions une petite piquette ? Non, je ne vous parle pas du résultat du prochain match de l’équipe de France, ma piquette à moi, c’est la boisson, et ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas d’un mauvais vin, (bien que…..) même si par extension c’est ainsi que l’on désigne la bibine dans notre parler populaire.
J’en vois qui se disent, « Mais de quoi il nous cause le vieux loup ? Quézaco sa piquette ? ». Je suis sûr que la sorcière de Najac a déjà deviné que j’allais en profiter pour parler d’autre chose, comme d’habitude……
Donc, puisque vous y tenez, je vais vous conter l’histoire de mon grand-père Benjamin et de sa petite vigne, perchée à flan de coteau, au fond d’une vallée du Mercantour. Rien qu’avec ça, vous avez déjà une idée du vin qu’il pouvait obtenir, « perchée au fond d’une vallée ». Pourtant comment dire autrement, pour y accéder, il fallait se livrer à une bonne grimpette, mais, même au sommet de la vigne, nous étions encore écrasés par la pente abrupte des parois de la Montagne, et l’étroitesse des rives. L’Hiver, le Soleil n’arrivait pas à atteindre les toits du village (il n’y arrive toujours pas d’ailleurs, malgré de réels efforts ces dernières années et les promesses répétées d’Etrosi …. mais que fait de Sarkozy !)
Autant dire que le taux de productivité de la vigne de Benjamin n’était pas très élevé, presque aussi riquiqui que le terrain sur lequel elle était plantée. Heureusement la chaleur du mois d’août permettait au raisin d’avoir une maturation suffisante pour donner au vin un petit goût sympathique qui justifiait à lui seul les efforts de mon grand-père. A plus que quatre-vingt ans, comme dans la chanson mon vigneron de Pépé montait à sa vigne, la sulfateuse sur le dos et « l’éssaille » à la main. Parce que, faut-il le rappeler, à cette époque on ne prenait pas le quad ou le 4x4 pour aller passer le motoculteur au jardin. Nos anciens cheminaient à pied, le matériel sur le dos et les mauvaises herbes ne rendaient l’âme que sous les coups de la binette maniée à la main. S’il connaissait l’existence des désherbants et des pesticides, c’est uniquement parce que Benjamin était un lecteur assidu de « La Terre ».
La récolte (descendue à dos d’homme, s’il vous plait) était destinée uniquement à la consommation de la famille, cependant vous vous doutez qu’il était bien rare qu’elle  permette de faire la « jointure » d’une année sur l’autre, c’était même exceptionnel. C’est ainsi que, comme beaucoup de petits paysans de montagne, mon grand-père était contraint de faire de la piquette. La recette n’est pas compliquée, une fois le moût tiré pour confectionner le vin, on récupère le marc auquel on ajoute de l’eau et un peu de sucre. On remet à fermenter et on obtient cette boisson qui a les apparences extérieures du vin mais qui n’en est pas. Les « bonnes années », quand la récolte était bonne, et qu’il n’était pas nécessaire de faire une grosse quantité de piquette, ça pouvait encore aller, beaucoup de marc, pas trop d’eau, le produit tant bien que mal tenait la route, il ne fallait pas chercher ni les parfums ni la robe ni autre chose, dans le meilleur des cas c’est presque imbuvable, et pourtant nos « vieux » s’en contentaient, ils l’emportaient au travail, gardant le bon vin pour le dimanche et les repas en famille. Par contre, lorsque le marc était peu abondant et qu’il fallait l’allonger avec une importante quantité d’eau, le résultat était triste comme un jour sans vin. Un peu comme les résultats de l’équipe de France.



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