Nuits sans silence

 
Dans la grande maison que nous partagions avec mon Grand-père dans les années 50, il y avait une pièce qui nous faisait terriblement peur à Jean-Claude et à moi même, c’était la chambre de la morte !!!
Il nous arrivait parfois d’y jeter un œil, sans jamais nous attarder, c’est là que la tante Berthe avait vécu les dernières années de sa vie. (La sorcière berrichonne qui attirait la foudre pour ceux qui ont lu les notes précédentes), C’est aussi dans cette chambre qu’elle s’est éteinte en 1951. Nous logions juste à coté, dans notre « appartement », (si l’on peut appeler ainsi trois pièces, sans toilette ni sanitaire). A la suite de la naissance de Luc, en 1954, nos parents décidèrent de me faire dormir dans la Chambre de la Tante afin de laisser ma place à notre plus jeune frère. Lorsque je me retrouvais la nuit, seul, j’avais très peur, pas tellement de voir surgir le fantôme de la Tante Berthe, mais parce que j’étais isolé du reste de la famille, l’entrée de la pièce donnait sur le même palier que « l’appartement » mais elle n’en faisait pas partie.
Le soir, j’avais du mal à m’endormir, mais je découvris rapidement des jeux qui me permirent de penser à autre chose. J’admirais d’abord les dessins produits par les phares des voitures au travers des volets. Des éventails de lumière parcouraient le plafond en décrivant des arcs de cercle, dans le sens inverse de celui dans lequel roulaient les autos. Je dois préciser que ma fenêtre donnait sur la Nationale reliant Paris à Bruxelles, à une époque où l’autoroute relevait de la science fiction.
En suite, je me mis à reconnaître le bruit des moteurs, j’étais imbattable, même dans la journée, il m’arrivait de tourner le dos à la circulation et de dire, « voilà une traction, une 403, une deux chevaux », Mon oncle MIKI était admiratif, je pouvais identifier tous les modèles français, faisant la différence entre une dauphine et une 4 Cv, qui pourtant étaient équipées du même moteur. Chaque soir, avant de m’endormir j’ouvrais un concours, et juste avant de fermer les yeux je me disais, « Les arondes ont gagné, ou bien les Panhard ».
Une nuit je fus réveillé par un bruit anormal, celui d’un choc, je tendais l’oreille, je ne distinguais rien de précis, mais j’avais la certitude qu’il se passait quelque chose, j’ouvris la fenêtre et je finis par entr’apercevoir une masse anormale sur le trottoir d’en face, à une soixantaine de mètres de la maison en direction du centre ville. Il n’y avait rien d’autre ; si ce n’est qu’un léger murmure. Je courus réveiller mon père, qui se leva, jeta un œil, et s’empressa de s’habiller. Je le vis courir dans la rue, ainsi que deux gendarmes dont la caserne se trouvait à proximité de la maison.
Les voisins finirent par sortir à leur tour, et ma mère me demanda de me recoucher, ce que je fis. Bien plus tard, j’entendis revenir mon père, je n’osais pas aller le rejoindre dans sa chambre, mais je me glissais quand même dans le couloir pour écouter les bribes de ce qu’il disait à ma mère « Fracture du crâne … elle n’avait pas de casque…. le vélo lui a coupé la route… il n’était pas éclairé…. c’est le gamin d’à coté… il n’a rien eu mais c’est les parents qui vont devoir payer…elle avait un gosse… son scooter a touché le trottoir et elle sa tête a heurté le rebord de celui-ci ».
Le lendemain tout le monde à l’école parlait de l’accident et de la mort de la conductrice du scooter, moi, je ne disais rien mais aujourd’hui, lorsque j’y pense, je vois encore cette « masse anormale » couchée sur le trottoir.



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