Comme dans la chanson de Piaf et des compagnons, j’aurai entendu sonner trois fois les cloches de la petite église de Mollans sur Ouvèze pour toi, Brigitte.
La première fois, ce n’était pas pour ta naissance, (tu avais quatre ans le jour où j‘ai épousé Dame Zette, ta tante et marraine), C’est pour ta communion que j’ai entendu tinter le clocher de ton village. Tu avais un visage de Madone et ton si joli sourire qui ne te quitta jamais.
Romantique, poétique, tu fus une adolescente très discrète, aimant la musique classique et la beauté de la nature, Une élève puis une étudiante douée qui réussissait ses examens avec efficacité et modestie. Quand tu t’es mariée, il y a une quinzaine d’année, pour la seconde fois j’ai entendu les cloches de Mollans résonner à toute volée.
J’ai déjà parlé de ton sourire, c’était un rayon de Soleil, il n’était pas angélique, mais plutôt amusé, rayonnant d’empathie.
Et puis un jour, en plein bonheur, le ciel s’est soudainement obscurci, un médecin incompétent qui refuse de te prendre au sérieux, qui perd près d’une année avant de te prescrire un examen plus approfondi. Le « crabe » le plus gentil, comme ils osent dire à la télé, s’était transformé en un méchant ogre, cruel et impitoyable, dévorant tes entrailles, te mutilant d’opération en opération. Il ne te laissera que peu de répits, repartant sans cesse à l’attaque, surgissant là où on ne l’attendait plus, se cachant quelques semaines, quelques jours pour réapparaître brutalement avec encore plus de force.
Mais il en fallait encore plus pour saper ton moral, Brigitte, la bête immonde avait épargné ta superbe chevelure, et cela te donnait de l’espoir, A la toussaint de l’année passée, tu nous avais accueilli sur le pas de la porte de la maison de tes parents, enveloppé dans le châle que Dame Zette t’avait offert, tu étais belle, ni la maladie, ni les années ne t’ avaient enlevé ton visage d’enfant, ton sourire illuminait ton visage, tu parlais de « ça » avec humour, concédant juste que désormais tu ne pouvais plus faire de projet pour les vacances, « Il m’en tombe toujours une sur le dos » .
L’espoir s’est envolé à Noël, un dernier charcutage inutile qui ne réveilla aucune fausse illusion.
« Survivre encore un jour, une heure obstinément…… » chantait Jean Ferrat. Ne pas partir dans la froidure, vivre jusqu’aux vacances de février, tenir jusqu’à celles de Pâques, expliquer, toi-même, à Augustin que sa Maman allait partir très loin, lui faire promettre d’être sage avec Papa, demander à Paul de veiller sur son petit frère, attendre encore que les enfants reviennent de vacances pour les voir une dernière fois partir pour l’école, avant de t’endormir ………….enfin.
Ils t’ont ramené chez tes parents, ma petite Brigitte, tu ressemblais à une reine de marbre blanc, comme on en voit gisant dans les églises, Ils avaient effacé les traces de la souffrance sur ton beau visage mais ce n’était déjà plus toi. Où avais-tu laissé ton charmant sourire ?
A 15 heures ce jeudi, le glas a sonné au clocher de l’église de Mollans sur Ouvèze. Tu avais 42 ans.