Mesdames, messieurs les voyageurs en voiture s’il vous plait, prenez garde à la fermeture des portes, le train à, Vapeur des Cévennes va démarrer. i pericoloso sporgersi , ce n’est pas d’actualité, Ici, non seulement ce n’est pas interdit, mais ça fait même parti des plaisirs du voyage, surtout dans les tunnels quand la fumée rabattue par les parois se rue par les fenêtres sans vitre à l’intérieur des wagons. En arrivant à Saint Jean du Gard « la petite » avait le visage tout noir, on aurait dit Gabin dans « la bête humaine »
Jeanne en Descendant du train
J’imagine déjà Saadou me dire que les loups n’ont pas l’habitude de prendre le train, mais de quoi je me mêle, Est-ce que je lui reproche moi, de délaisser son balai de sorcière pour un drakkar ?
Et puis d’abord, j’ai le droit comme tout le monde de faire mon petit pèlerinage. L’Histoire de ma vie est directement lié à un train à vapeur, pour moi Saint Jean du Gard, c’est Saint Jacques la Mecque. Si j’y vais, c’est en souvenir de mon grand père, le mari de la sorcière, celui qui conduisait le train des pignes.
Samuelle à la Fenêtre du Train
Comment ça ? Vous ne connaissez pas « Le train des Pignes », ce charmant tortillard qui relie Nice à la ville de Digne et qui tient son sobriquet du fait qu’il était si lent dans les montées, (du temps de la traction à vapeur) qu’il était possible, pour les voyageurs, de descendre en marche pendant la traversée des forêts, afin de ramasser quelques pignes de pins pour, de retour à la maison, allumer le feu du soir, du moins c’est ce que les méchantes langues prétendaient.
Mon grand-père maternel, Benjamin CHIER, (prononcez CHIÈRE, s’il vous plait), était mécanicien sur une locomotive de la « Compagnie de Provence » qui exploitait justement cette ligne où il était connu sous le surnom de « CAGA » (Allez savoir pourquoi).
Les pommes de pins, lui, ça ne l’intéressait pas, Il n’avait pas à se préoccuper de fournir la cuisinière à bois de la maison, il savait que Léontine, sa femme, s’en chargerait. Son principal souci, c’était ses lapins. Il amenait toujours avec lui, un « Bourrasse » et une faucille dont il se servait quand, dans une gare, il devait croiser un convoi arrivant en sens inverse, sur la voie unique, et qui était « normalement » en retard, comme il se doit.
Benjamin en profitait pour couper de l’herbe autour des bâtiments de la gare, cela ne faisait de tort à personne, et ça épargnait la tache à un autre.
Ça, c’est pour le folklore : Qui n’a jamais voyagé par le train des pignes, autrement que pour le « tourisme » ne peut connaître « les joies » du voyage. Dernière ligne à voie métrique actuellement encore en exploitation régulière, il suffit de le regarder s’éloigner en « tortillant » du cul, balançant de droite à gauche pour comprendre qu’il mérite bien son qualificatif de tortillard.
Si vous ne craignez pas le mal de mer, ce train est fait pour vous, mais certainement pas pour les femmes enceintes, à moins que vous ne souhaitiez agrémenter votre voyage par l’arrivée prématurée et inopinée d’un passager supplémentaire démuni de tout titre de transport, ce qui ne peut que compliquer la chose. C’est ce que ma mère craignait par-dessus tout, Pour la naissance de mon frère Jean-Claude, la famille s’y était prise à temps, ce qui lui permit d’avoir un accouchement « réglementaire » dans une maternité de Nice. Il n’en fut pas de même pour moi, le froid, la neige, le gel de cette mi-Janvier de 1949, n’encourageaient pas mes parents à tenter l’aventure, et comme mon grand-père avait pris sa retraite, ma mère ne pouvait même pas espérer compter sur une « conduite » complaisante et en souplesse du petit train, pour l’amener sans trop de fatigue de Villars sur Var, là où mes parents résidaient jusqu’à Nice chez une sœur de ma mère, afin d’attendre paisiblement l’arrivée de ce nouveau bambin.
La prudence étant de mise, c’est donc chez ma grand-mère à Puget, que ma mère attendit une amélioration de la météo pour entreprendre le voyage. Comme d’habitude je me suis débrouillé pour contrarier ses projets J’en avais marre d’attendre, naître un Jeudi me convenait très bien, d’abord, parce qu’à cette époque il n’y avait pas école ce jour là, en suite parce que le treize ça porte bonheur et enfin cela me permettait, en venant au monde dans la salle à manger familiale, d’offrir un cadeau d’anniversaire à Benjamin qui avait fêté ses soixante dix ans la veille,
Benjamin au centre avec Léontine à sa gauche
Mais le petit train à vapeur, c’est aussi pour moi » l’auvergnat » de la chanson de Brassens. A cette époque, mon père tirait le diable par la queue, trente six métiers, trente six misères. Après son travail, mon père se baladait le long de la voie ferrée, dans l’espoir de trouver quelques morceaux de charbon, perdus par le petit train des Pignes. La « légende » dit, que les cheminots, ayant pitié du gendre de leur vieil ami « Caga », jetaient généreusement une pelletée d’anthracite par-dessus le « tender » quand ils passaient devant lui. J’y crois volontiers