Le Petit Cabanon au fond de la cour

 
Je ne sais pas si tu as été faire un tour (sans jeu de mot) « Au pied de la Tour » de notre amie Pat, dite le hérisson bleu, mais si c’est le cas tu auras pu y lire un hommage à nos vieux « cagadoux » qui trônaient, si j’ose dire, au fond de nos jardins. L’écomusée de Mulhouse en possède d’ailleurs une magnifique collection qui à elle toute seule vaut le déplacement.
Moi aussi j’ai connu cela, bien qu’habitant la ville, une immense métropole de ….8000 âmes maxi. Notre édifice n’était point dans le potager, mais dans notre cour. Nous étions dans l’immédiat après guerre et le confort moderne arrivait à peine dans notre commune. Mes premiers souvenirs sont liés justement aux travaux réalisés dans notre rue pour installer le tout à l’égout. Auparavant, nous devions nous contenter d’un puisard pour les eaux usées et donc, de notre petit cabanon intime pour le reste. Comme notre propriétaire n’était vraiment pas du genre à nous faire installer une salle d’eau dans la maison sans augmenter de façon conséquente le prix du loyer, nous avons du nous en contenter jusqu’à notre départ. Nous n’étions pas les seuls dans ce cas, locataires ou propriétaires, les habitants de la rue ne furent pas équipés de sanitaires dignes de ce nom du jour au lendemain. En attendant tous devaient faire appel à une étrange machine.
Parce qu’à la campagne, c’est facile, tu fais un trou au fond du jardin, tu y pose ta cabine de décompression, voir même tu l’installes directement au dessus d’un ruisseau ou de la rivière. Parfois si c’est nécessaire, tu recreuses un trou, tu déplaces tes quatre planches. Et le tour est joué. Mais à la ville, même pas bien grande, c’est point pareil ma brave dame, la terre n’absorbe pas nos offrandes avec le même enthousiasme, eh oui, surtout si, comme c’était le cas chez nous, le mausolée est bâti sur un sol marneux et imperméable. De temps à autre il fallait faire venir un engin qui est à nos modernes camions sanitaires ce que les cagadoux sont à nos fosses sceptiques d’aujourd’hui. Un immense espace temps néandertalien les séparait. C’est comme si tu voulais comparer la deux chevaux avec la dernière Scénic de chez Renault

L’engin en question était une machine, qui ressemblait à celles qu’utilisaient les pompiers de jadis. Comme il me faut bien la nommer, je vous dirai donc que c’était la « pompe à M---- », la pompe à bras de notre jeunesse. Des distractions nous n’en avions pas beaucoup, et « elle » faisait partie de celles qui de temps en temps venaient égayer notre quotidien. Ma Nièce Sandrine, à qui j’en ai causé un jour au coin du feu, m’a dit qu’elle l’avait vu en Tunisie, oeuvrant dans un petit village, et m’a certifié « qu’elle » avait toujours autant de succès auprès des enfants.

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A cette époque nous n’avions pas de télévision, encore moins de console Nintendo, pas de MP3, pas le moindre petit ordinateur, nous n’en étions même pas encore à l’électrophone Teppaz, le transistor n’était pas encore inventé, et nous n’écoutions la radio que sur le gros poste placé sur une étagère de la salle à manger. Le nôtre était encore branché sur Radio- Londres, c’est vous dire….. Le Jeudi, nous avions bien catéchisme le matin et louveteaux l’après Midi (et oui, AKELA a été louveteau, c’est bien la moindre des choses pour un jeune loup non !!,) mais les occasions de se distraire étaient rares….fallait être créatif. Heureusement, il y avait notre fameuse pompe à bras. Cette délicieuse machine était tirée par un cheval, et elle venait régulièrement dans notre rue vidanger « les boues » des cagadoux. Nous nous retrouvions vite une bonne cinquantaine, plantés devant la maison en instance de traitement. C’était, pour nous les gosses un véritable évènement, l’occasion unique de voir comment c’était chez les autres. En effet, nos « petits coins » n’étaient pas en façade, mais relégués derrière les bâtiments, il s’avérait donc nécessaire de faire passer le tuyau au travers de la maison en laissant les portes grandes ouvertes, ce qui nous permettait de satisfaire notre curiosité, et nous n’étions pas les seuls, les adultes avaient ces jours là une certaine tendance à descendre et à remonter la rue sous le moindre prétexte, histoire de jeter un œil chez le voisin, et de commenter la couleur des tapisseries ou l’état lamentable des plafonds. Mais le summum de notre plaisir était le moment que nous attendions tous, celui où le « vidangeur » et son ouvrier entamaient l’opération proprement dite. Après nous avoir fait reculer, (car ils se méfiaient de quelques garnements qui, discrètement, avaient la fâcheuse manie de desserrer le frein de la charrette avant de donner une tape sur les fesses du cheval afin de le faire avancer d’un ou deux mètres , ceci dans l’espoir de voir se déboîter le tuyau au milieu du couloir de la maison) les deux hommes se mettaient à actionner la pompe à bras sous les railleries de la marmaille qui en chœur, entamait ce chant mélodieux

« ♫ Pompons la M----, ♫ pompons la gaiement,ô et ceux qui nous em------♫, on leur mettra ôle nez dedans ♫ » .


Quelle époque bénie, où nous avions des plaisirs innocents et où nous nous amusions de presque rien

 
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