L’autre jour, tu m’as dit que j’aimais les retours sur le passé, et bien, j’assume et je vais prendre la mouche. Comment ? Si je suis fâché ? Mais pas du tout du tout, qu’est-ce qui te fais croire cela, Ah !!!! Parce que je vais prendre la mouche ? Mais non, ça n’a rien à voir, la mouche, c’est une machine infernale conçue par feu mon beau-père pour couper ses foins. Je t’ai déjà parlé de lui, c’était le roi de la bricole et du système « D ». Tu te souviens ? Non ? Bon tant pis je continue, donc, mon Beau-père était un de ces petits paysans de la Montagne, plus précisément des Baronnies, ce petit bout de Provence coincé entre le mont Ventoux et le Dauphiné. Ça ne te dit rien ? Et Nyons, tu connais ? Non ? Les Olives ? Ah quand même !!! Et bien c’est la vallée d’en dessous, celle de l’Ouvèze, cette rivière qui ravageât….. la moukère . ARRÊTE avec tes Bêtises !!!! Ravadja la moukère !!! N’importe quoi, tu ne peux pas être sérieux deux minutes ? …..qui ravageât VAISON la Romaine en 1992. Et bien , là haut, au fond de la vallée, là où les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère des hommes, mon beau-père avait une petite ferme, héritée de personne, si ce n’est de la sueur de son front.
Après la guerre, pour élever ses neuf gosses, il a du marner comme ce n’est pas dieu possible. Pas question d’acheter le dernier tracteur à la mode, il fallait se débrouiller avec le mulet et les petits bras de sa progéniture. Heureusement le grand Lie, comme on l’appelait, était un autodidacte ingénieux, il n’avait pas son pareil pour transformer un vieux moteur de mobylette en compresseur, en lui adjoignant un moteur de machine à laver, le tout fixé avec des bouts de fil de fer sur une vielle poussette d’enfant. Et ça marchait !!!!les voisins venaient chez lui pour contrôler la pression des pneus des « petit gris », tu sais, ces tracteurs Massey Fergusson importés en masse après la guerre par les américains . Il en reste encore quelques uns au fond des granges dans nos campagnes, Comme tu es brave, je vais t’en montrer un avec Janou Grain de Sel perchée dessus. Et la mouche dans tout ça ? On y arrive : le grand Lie, il avait pour tout bétail son mulet, trois ou quatre chèvres, et le cochon, une malheureuse bête qui ne survivait jamais à l’hiver, et qu’il fallait renouveler tout les ans. En ce qui concerne le goret, pas de problème, on le nourrissait avec les déchets de la cuisine et les patates qui avaient germées, mais pour les autres bestiaux, il fallait du foin. Or la saison du foin, elle tombe en même temps que le tilleul et le jardin. Le couper à la faux, ça prenait trop de temps et le mulet ne pouvait pas tirer une faucheuse mécanique, il fallait donc trouver une solution et ce fut la mouche. Alors, écoute-moi bien, pour réussir une bonne mouche, il faut bien suivre la recette suivante :
Tu prends une vieille Citroën B14, tu sais ces bagnoles cubiques des années 30.
Tu la désosses. Tu ne gardes que le châssis, le train avant, le tableau de bord et le moteur.
Tu vires tout le reste, même les sièges.
Tu récupères une boite de vitesse et le pont arrière d’un camion GMC qui a eu la malencontreuse idée de sauter sur une mine à la libération.
Tu remplaces le réservoir d’essence percé de la B14 par celui de la mobylette qui t’a servi pour le compresseur, tu le places au dessus du moteur afin que le carburant descende dans le carburateur par gravité (ça t’évite de mettre une pompe)
Tu achètes à ton voisin sa vieille faucheuse mécanique (la moitié du cochon, et un chevreau lui conviendront pour tout paiement)
Tu fixes le siège de la faucheuse sur le châssis de la B14
Tu montes la lame sur le coté de ta machine,
Tu amarres un « caillasse » d’une centaine de kilos sur le train arrière avec du fil de fer
Et le tour est joué.
Le grand Lie n’est plus mais la mouche fonctionne toujours !!!!! A la plus grande joie des estivants qui s’arrêtent encore et toujours pour la prendre en photos.