Monsieur Lavigne, maître d'internat (4ème et dernière partie) La fin d'un mythe

Les années ont passées, les anciens du lycée, sur Trombi, copains d’avant et photo de classe, se souviennent tous de Monsieur Lavigne, avec nostalgie, non seulement, parce que c’etait notre jeunesse, mais parce que nous avons tous fini par réaliser, que notre maître d’étude, le terrifiant, l’implacable pion, celui que craignaient même les terminales, l’être le plus redouté du lycée, plus que le censeur en personne, celui dont le regard vous clouait sur place comme celui du cobra, Monsieur Lavigne était ……. un brave homme.
Je n’ai pas attendu d’avoir franchi la soixantaine pour en prendre conscience, dès la fin de l’année scolaire je l’avais compris. Hormis le premier soir, lorsqu’il mettait au pli les petits malins qui voulaient le défier, Monsieur Lavigne ne punissait personne, ou rarement, son regard sur nous suffisait, les bulletins de retenus qu’il nous remettait le vendredi, c’étaient ceux des autres, pas les siens, plus d’une fois, quand l’un d’entre nous avait été collé pour un motif grotesque ou insignifiant, je l’ai vu secouer la tête d’un air désapprobateur, ses yeux perçants n’allaient pas se poser sur « le coupable », au contraire, il évitait de le regarder. Les « black le rock » qu’il nous confisquait, il les oubliait dans un tiroir, où nous allions les récupérer plus tard.
A la fin de la troisième, lorsque nous avons passé notre BEPC, on nous avait donné quartier libre après les épreuves, nous avons abusé de ces instants de liberté, et la plus part d’entre nous en avait profité pour consommer des boissons alcoolisées. Le soir à l’étude, Monsieur Lavigne fit comme si rien n’était, lorsqu’un élève était pris de nausée, il faisait un petit signe de la main pour désigner la porte de la salle, sans lever le regard. Quand après avoir bien vomi notre « vinasse » nous revenions en classe, il nous faisait signe de regagner notre place. A un moment, monsieur le censeur est venu jeter un œil chez nous, car les deux autres études de troisième étaient en ébullition, les pions avaient du mal à contenir le chahut. Le « cencu » comme nous le nommions demanda si tout allait bien, Monsieur Lavigne lui répondit, «  aucun problème, monsieur le censeur ».
L’année suivante, comme j’avais quand même réussi l’exploit de redoubler, je retombais de nouveau avec lui, en entrant dans la salle d’étude le premier soir, je lui ai adressé un joyeux « Bonsoir Monsieur Lavigne », il a esquissé un léger sourire avec un petit hochement de tête. Nous nous étions compris.
Au milieu des années 90, j’ai eu l’occasion de revenir plusieurs fois à Aix pour raisons professionnelles, au cours de l’un de ces voyages, ayant un peu de temps libre, je décidais de faire un tour sur le cour Mirabeau, je cherchais donc un parking, j’en trouvais un qui n’existait pas du temps de mes études, je compris de suite, qu’il se trouvait à l’emplacement de l’une des cours du lycée, la notre, celle des internes. Je me garais en sous sol, et empruntais l’escalier de sortie, et là, j’ai eu la surprise de déboucher pile devant notre étude, à l’emplacement exact où nous nous mettions en rang, Bien entendu, la porte en était condamnée, l’entrée se trouvant désormais du coté de la petite cour de derrière, interdite à l’époque, mais où des générations entières d’élèves sont venus poser pour la photo de classe, devant les fenêtre de notre salle.
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Photo de classe devant l'étude de Monsieur Lavigne
 Monsieur Lavigne est mort à la fin des années soixante, renversé par une voiture sur le cours Mirabeau, est-ce un hasard si cela c’est produit au moment au disparaissaient les grands internats au profit (c’est le cas de le dire) des transports scolaires ?? Dernier dinosaure d’une profession qui a disparue, Monsieur Lavigne, je ne vous oublierai jamais.



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