Les Lettres de l'Oncle Jean à ses parents

de 1914 au 29 juin 1918 veille de sa mort

 
Séjour dans les Hôpitaux de Marseille
 
(Texte du Carnet de route)
 
Je suis embarqué sur un brancard mais je ne sais pas dans quelle direction. Départ à 4 heures nous roulons toute la nuit et vers 9 heures le lendemain nous sommes à Neufchâteau . On nous descend du train pour visiter les pansements et nous donner du lait ou autres aliments, à 11 heures on nous remonte dans un autre train qui part à 12 h pour le midi. Nous passons à Dijon en pleine nuit et nous voyons Lyon et la Drôme beaux pays sur toute la ligne. Enfin dans la nuit du 7 au 8 (Octobre) nous arrivons à Marseille Gare Saint Charles, on nous transporte du train dans des tramways électriques et nous filons dans les hôpitaux. Je vais à l’Hôtel Dieu. On me déshabille et me couche, le lit est doux et je sens que je serai mieux soigné qu’à Verdun. Les infirmières font le service et les gros travaux sont fait par des hommes. Le major est secondé par un médecin, un chirurgien et plusieurs internes qui nous soignent très bien. Je suis en observation pendant deux jours et nuit, ce traitement me fait du bien, le coté devient moins dur mais les élancements persistent toujours. Je suis à la diète lactée et au repos absolu. Le 3ème jour je suis à la purée et au lait, la glace est remplacée par des gélules d’opium. Je peux dormir et cela me semble bon nous sommes très bien traités. Nous avons des visites tous les jours. Aujourd’hui Dimanche j’ai récolté des gâteaux, des bonbons, des cigarettes, les journée passent vite et si j’avais des nouvelles je m’estimerai heureux.
Je reste couché jusqu’au 22 (Octobre), je me lève et malgré ma canne je vais de tous les cotés tant mes jambes sont faibles. Le 24 départ pour Sainte Marguerite où je suis très bien, il y a un grand jardin où l’on peut se promener, j’en profite de trop car le 26 je suis repris par mes élancements et dois me recoucher, on me met des cataplasmes au laudanum pour me calmer. Je me sens mieux le 3 (Novembre) et me lève pour me mettre dans une chaise longue, cadeau de la surveillante de nuit. Le 6 sortie et visite de la ville pour les costauds, je n’en suis pas, ce sera pour une autre fois.
 
 
Verdun le 6 Août 1914
 
Chers Parents
 
Je crois que mes prévisions étaient justes. Je suis pardi Dimanche matin à 9 heures après avoir dit au revoir à Emile et tous les amis de Paris. Je suis arrivé à Verdun le lendemain à 2 h ½ du matin après un voyage de 14 heures. Ici j’ai retrouvé tous mes anciens copains et nous étions heureux de trouver des figures de connaissance. Je suis parti de Paris sans papier à lettre de sorte que je ne pouvais pas vous donner de détails. Maurice vous a peut-être donné de mes nouvelles je lui ai envoyé une carte sans lui mettre mon adresse. De même pour vous je ne peux pas vous donner d’adresse. Je suis resté lundi et mardi au fort de Lachaume qu’était pris par des artilleurs nous avons couché dans les gaines du fort sur le carreau pendant deux nuits, nous étions pas trop mal nourris, il ne faut pas être trop difficiles. Hier réveil à 3 heures pour partir à 6 heures ½du soir pour revenir sur Verdun pour coucher à la belle étoile, nous avons juste eu du pain, jamais je n’ai eu aussi froid de ma vie. Malgré tout cela le moral est bon, la seule chose qui nous ennuie c’est que nous n’avons aucune nouvelle. On a tué ce matin à la gare un espion allemand et lundi matin 150 uhlans sont arrivés encerclés par des chasseurs à pied. Les hommes sont à Verdun et les chevaux sont partis à Châlons Nous devons partir demain ou après demain plus en avant de la frontière, l’ennui nous prend à rester inactifs. Les officiers sont très bons pour nous et partagent notre sort. J’espère pour vous que la santé est bonne. Le coup a du être dur pour Maman. Avez-vous eu des nouvelles de Félix, il a du partir aussi mais où ? Nous voyons passer des trains venant de Paris, il en passe toutes les 10 minutes, ce sont des troupes du centre. On m’a dit que le 13ème Corps arrivait à Verdun. On dit aussi que le général d’Amade est renté dans Mulhouse avec deux corps d’armée, je ne crois pas qu’il y ait eu d’action décisive encore. Que d’hommes à cette frontière on ne peut imaginer un tel tableau, les hommes, les bêtes pas ou peu d’habitants, c’est tout ce que l’on voit. J’ai pris mon vélo et attend d’être embauché. Je me demande chers parents de vous tranquilliser à mon sujet, si vous n’avez pas souvent de nouvelles c’est que le temps manque et plus nous avancerons moins souvent je pourrais faire de lettre. Maurice arrivera probablement ces jours ci auprès de vous.
Emile est peut-être par ici, mais nous ne pouvons pas bouger, plus de vin seules les vaches qui doivent être abattues nous donnent du lait.
Je vous quitte chers parents en vous embrassant affectueusement et en vous disant au Revoir.
Pour l’instant je suis au 165ème Régiment d’Infanterie Compagnie Hors cadre à Verdun mais demain je serais peut-être autre part.
Bons baisers à tous.
 
Maurice RENOUX, le quatrième frère.
Mulhouse fut prise lors de l’offensive du 6 Août par le général BONNEAU puis perdue, reprise fin Août, elle fut l’objet d’un repli stratégique et devra attendre le 11 Novembre 1918 pour redevenir Française.
Jean RENOUX espérait être embauché comme « cyclo » de la compagnie, vraisemblablement « estafette ». Il avait amené, dans ce but son vélo avec lui à VERDUN.
 


Verdun le 17 Août 1914
 
 
Chers parents.
 
Je vous écris sans savoir si cette lettre vous arrivera. Je vous ai déjà écrit deux fois mais je n’ai pas de réponse. Maurice ne m’a pas répondu non plus. Je pense que le service postal est seul cause de ce retard.
Tout d’abord tranquillisez vous sur mon compte, nous sommes en réserve à Verdun et ne partirons que si nos troupes pénètrent en Allemagne.
Nos journées sont occupées à faire des tranchées et des abattis. Nous partons au travail à 4h ½ du matin et revenons le soir à 6 heures. Les lignes qui sont devant nous ont eues quelques escarmouches et ont résisté brillamment. Je suis allé plusieurs fois à Verdun, j’ai vu arriver deux trains de blessés, spectacle vraiment triste, après un train de prisonniers Allemands est passé et de la gare nous les avons conduits à la citadelle pour les réexpédier sur Poitiers. Nous n’avons que très rarement des nouvelles, mais ce matin on nous a prévenu que le choc entre armées devait se produire aujourd’hui probablement, nous devons nous tenir prêts à partir et nous attendons le moment avec impatience.
Comment vivez vous à Chamalières, donnez moi des détails ; avez vous des nouvelles d’Emile et de Félix. J’ai reçu des nouvelles de Paris, mais pas de Maurice.
Nous avons vu passer toute la semaine dernière des trains complets de troupes de toutes sortes. Hier nous avons croisé des chasseurs d’Afrique qui allaient cantonner derrière nous.
Depuis deux jours il pleut, nous sommes trempés et les nuits ne sont pas chaudes à rester avec des effets mouillés. Nous sommes assez bien nourris quand la viande est fraîche, mais bien souvent elle vient de loin et est tournée quand elle arrive.
Malgré cela je vais très bien, j’ai pu avoir q. q médicaments à Verdun au cas où je serai malade. Ici il n’y plus de civil, les maisons sont occupées par la troupe et naturellement tout est visité depuis la cave jusqu’au grenier.
Nous avons de bons officiers qui vivent comme nous forcément. Les lettres arrivent avec un retard de huit jours, c’est justement pour cela qu’il ne faut pas vous faire de mauvais sang si vous ne recevez pas de nouvelles de l’un de nous.
J’espère que vos santés sont bonnes, embras



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